LIBOSO par Lawrence Cuvelier

LIBOSO

La situation et les origines

Comme dans toute l’Afrique sub-saharienne, la médecine générale, n’a pas une place significative dans le paysage des soins de santé. Au cours de missions précédentes, qui étaient basées sur deux projets, l’un de soutien à l’hôpital des enfants par l’HUDERF, et l’autre consistant à implanter un système de mutuelle, différents médecins généralistes se sont rendus comptes que le système de santé devait renforcer sa première ligne. Celle-ci est assurée par des infirmiers en système de santé communautaire. L’efficacité de ce réseau de soins, malgré ces limites, permet de penser qu’un échange de pratique serait profitable aux participants du projet Liboso. Trois maisons médicales du centre de Bruxelles se sont regroupées pour s’associer avec des centres de Santé de Masina, une agglomération de Kinshasa comptant environ trois millions d’habitants. Tout cela s’inscrit dans une optique de respect mutuel, d’échange et de contact direct de microstructure à microstructure. Un élément essentiel est le développement de mutuelle. L’élaboration du projet a mis beaucoup de temps, chaque structure ayant aussi à assurer ses obligations quotidiennes.

Les obstacles

·      L’originalité :

La plupart des projets de coopérations impliquent des budgets considérables, des moyens de fonctionnement importants, et /ou des buts structurels ambitieux. La philosophie d’un micro-projet n’est pas toujours bien comprise

·      La diplomatie

Les échelons de pouvoir sont complexes, hiérarchisés, et labyrinthiques. Il ne faut pas faire d’impair sous peine de se fabriquer des obstacles inattendus.[1]La confrontation de moyens de discussion et d’échange doit pouvoir se faire avec efficacité. Un mode de discussion assez particulier, se fait selon certaines règles. Il y a d’abord une présentation des interlocuteurs, ensuite une période d’observation au cours de laquelle on échange des propos généraux et cela sans agressivité, ensuite on pose des questions pour entrer petit à petit dans le vif du sujet. Cette manière de faire peut paraître longue, mais elle s’apparente à une technique de communication non violente, qui peut avoir des bénéfices à long terme. Les problèmes ont pu être débrouillé sans que personnes ne perdent la face.

·      Les bons partenaires

Il est évident que pour piloter un projet, une continuité fiable doit pouvoir être établie, et que des courroies de transmissions pour le suivi sur place doit pouvoir fonctionner de manière fiable et régulière. Ceux-ci peuvent-être institutionnel ou personnel. Liboso a pu faire connaissance d’Anatole, au départ des premières missions qui a une analyse fine de la situation, qui est déterminé dans ses objectifs et qui a pu avancer de manière probante et efficace en RDC.

·      Un modèle de soins de santé incertain

Le Congo reçoit de nombreuses aides, gouvernementale, internationales ou de la part d’ONG. L’accès au soin de santé se faisait sur base de paiement par le prestataire sans intervention des autorités. Le choix qui se pose, est entre un système assurantiel et un système de solidarité de type mutuelle. Dans un système où l’état est faible au point de vue de ses moyens, il est tentant de se dire que développement des soins de santé se fera par l’implantation d’entreprise, et que ce développement permettra par la généralisation d’emploi stable un accès au soins à l’ensemble de la population. Ce type de raisonnement a longtemps prévalu aux USA et est fortement suggéré par des organismes internationaux. L’autre système, basés sur la solidarité, est l’implantation de mutuelles dans le pays. Les mutuelles belges ont fortement contribué à développer ce système, qui rencontre un vrai succès bien qu’encore modeste dans les chiffres. Ce modèle préconise sur base de solides références que le développement de soin de santé est en lui-même un facteur de développement, et que par exemple un jeune adulte, support de famille, frappé d’un maladie grave ou qui décède, provoque par sa pathologie une succession de trouble économique. Ceci a été clairement démontré pour le Sida.

·      Une médecine générale peu valorisée

La place du généraliste dans ce système de santé, est peu valorisée, socialement peu reconnue et structurellement mal définie. Les études menées par le professeur White et confirmées par de nombreuses études ultérieures montrent qu’une première ligne forte résout 90 % des problèmes de santé, et réduit fortement le recours aux soins de seconde ligne. Le problème est que soigner correctement un asthme ou une hypertension est moins spectaculaire que de soigner une crise d’asthme ou un accident vasculaire cérébral. En outre, les accidents de santé sont ici vécus comme une fatalité et non comme les conséquences d’un processus. Néanmoins la prise en charge des maladies infectieuses comme le SIDA ou la tuberculose permettent de valoriser des approches plus systématiques. Toutefois, il s’agit ici, encore d’une approche très verticale, de pathologie uni factorielle, dont le traitement doit se faire de manière rigoureuse, menant à la stabilisation ou la guérison. La place du généraliste et sa rémunération doivent être fortement revalorisée.

[1] Un tableau des différentes autorités contactées se trouvera en fin de documents

Une goutte d’eau dans un océan ?

·      Système basé sur des praticiens de premières lignes

De part et d’autres, les interlocuteurs sont des personnes confrontées à la réalité quotidienne, ayant à affronter des difficultés pratiques, pas toujours prévues dans des bureaux climatisés. Les maisons médicales de Bruxelles, sont confrontées à une population défavorisée, avec de multiples facteurs de risque. Il y a par exemple sur 20.000 patients bénéficiant du statut d’aide médicale urgente, c’est-à-dire l’aide médicale accordée aux personnes sans papier, 6500 d’entre eux vivent dans la commune de Bruxelles-ville (13.000 dans la région de Bruxelles. Nous sommes confrontés à des problèmes de souffrance psychique, d’assuétude (dépendance aux opiacés, alcoolisme) , de maladie infectieuse ( HIV, TBC) mais bien sûr sans commune mesure avec la RDC, et de maladie chronique.

·      Vers un échelonnement rationnel

L’amélioration de la qualité des soins doit pouvoir passer par une prise en charge des pathologies chroniques, ce qui rencontre plusieurs obstacles, dont le principal est éducationnel. Les caractéristiques de beaucoup de maladies chroniques quand elles ont un caractère social sont de trois ordres

  • Symptômes discrets ou inexistant (HTA, diabète, BPCO)
  • Préoccupation vitale prédominante (absence de perspectives de vie à long terme)
  • Incapacité psychique ou éducationnelle d’appréhender une maladie au processus lent et complexe (et réalité du déni dans ce type de situation)

La capacité de mettre en œuvre des stratégies de soins pour les pathologies complexes est une spécificité du généraliste, lui seul est capable d’intégrer les différents paramètres du patient et de fournir un traitement spécifique, alors que le spécialiste devra s’occuper d’un problème spécifique qui peut être compliqué mais qui n’implique pas une relation à long terme

·      Du particulier au général ?

Il va de soi que Liboso s’aventure dans un projet pilote, dont il serait bien prétentieux de prédire les résultats avant sa mise en œuvre. Cependant, pour que des résultats puissent être extrapolés, il faut pouvoir mesurer certaines données au début de l’application du projet. Dans ces conditions, ils pourraient constituer une base crédible pour encadrer des bases de généralisation. Par rapport à la situation en Belgique, il serait intéressant de pouvoir évaluer l’impact de ces prises en charge qui inévitablement reposeront largement sur des auxiliaires de santé en RDC, et qui en Belgique font débat dans le cadre de réforme de soins de santé et du plan des maladies chroniques.[1]

·      Des projets spécifiques

Aborder la complexité spécifique à la médecine générale dans ce projet ne peut se faire que par des cibles spécifiques. C’est pourquoi une série de thèmes ont été évoqués en particulier, le diabète, l’hypertension, la santé mentale. Concernant ce dernier point, les intervenants des centres ont souligné la difficulté d’aborder ces problèmes de front, la population a tendance à faire appel à des solutions traditionnelles et à privilégier des explications causales de type global (le mauvais sort) . Cependant, les centres font remarquer leurs dénuement face aux situations de violence, en particulier de violence sexuelle. Il a été aussi question de l’hygiène et des problèmes d’assainissement. La prise en charge du dépistage et prise en charge du cancer. L’aspect de la revalidation et la place de la kiné. D’autres problèmes concernant la référence et la conter-référence et la transmission des rapports médicaux.

Pour des méthodes de travail effectives

·      Mise en place d’une stratégie partagée

Il était fort important que notre initiative soit clairement expliquée et que les objectifs rencontrent celles des autorités compétentes. A cet égard Anatole Mangala a joué un rôle clé pour nous mettre en relation avec les personnages clés. Nous avons ainsi rencontré

  • Le secrétaire général du ministère de la santé, sensible à l’amélioration d’une ligne de soin primaire
  • Une responsable du CGAT
  • Le bourgmestre de Masina
  • Les responsables médecins chef de zone
  • Un responsable de l’ordre des médecins

·      Recherche de soutien

Tant en Belgique qu’au Congo. Si ce projet est volontairement modeste dans ses moyens que dans ses objectifs à court terme, il est essentiel de trouver des soutiens tant moraux que financiesr. Notons à cet égard les soutiens belges

  • La région bruxelloise
  • La ville de Bruxelles
  • Le financement des maisons médicales
  • Belgo-compétence

Tandis que du côté congolais on peut citer

  • L’ambassade de Belgique
  • Le centre Wallonie-Bruxelles
  • ULB coopération et médecine pour le peuple
  • RDC compétence
  • Le CGAT (système de mutuelle congolaise)

Les implications se sont faites à des niveaux assez différents mais pour un résultat d’ensemble très satisfaisant.

[1] Il est question en Belgique de modifier l’article 78 sur les compétences, et d’étendre les prérogatives des infirmières dans le cadre de suivi de maladie chronique et d’hospitalisation à domicile ou alternative à l’hospitalisation

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